La fête du cinéma

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La date de mon opération se rapproche à la vitesse de la lumière, je l’entends qui me dit : viens ma guerrière, n’aie pas peur de mes petits bistouris, ils vont te garder toute jolie.

Elle se rapproche à la vitesse d’un escargot, je l’entends qui me dit : tu as encore un peu de boulot si tu veux avoir droit à mes talents de pro.

J’ai exactement seize jours devant moi pour tout préparer, monter le plan de bataille, mettre la famille en ordre de marche, assurer les derniers rendez-vous de préparation avec l’anesthésiste, le chirurgien, rassurer les amis, faire ma valise, acheter de superbes chaussettes de contention…

La montagne est devant moi, immense et peu rassurante même si j’aperçois ce rayon de soleil tout en haut.

Je ne peux pas la gravir seule cette monumentale épreuve, c’est impensable.

Je panique, je transpire, j’ai envie de vomir.

Mais la magie continue à opérer par cette grande chose que l’on nomme la solidarité je crois. Ce n’est pas seize jours de grimpette solitaire que je réalise, mais un voyage unique au monde, entourée de Marvels, de héros de romans, de dessins animés, de séries télé : c’est la fête du Ciné.

C’est exactement ce dont j’ai besoin : de la distraction, du plaisir, du partage sans devoir faire aucun effort, sans être obligée de choisir une programmation qui ne me plaît pas ou de me retrouver seule dans ma salle de cinéma.

C’est avec mon équipe, mes collègues et mon capitaine au boulot que je commence le périple. Je suis accueillie comme une princesse de Walt-Disney. Ils mettent tout en œuvre pour que je sois complètement disponible pour moi-même et que les projets avancent en mon absence. Ils me rassurent et sont si bienveillants que c’est presque déstabilisant. Mais ils sont forts, ça marche, je suis touchée et apaisée.

Je dois maintenant rencontrer l’anesthésiste, c’est un rendez-vous sans enjeu mais je n’ai pas envie de faire la belle au bois dormant toute seule. Qui sait? Je suis si fatiguée que pourrais m’assoupir avant d’arriver à destination…

« Pas de souci ValooCroft, Don Quichotte est là pour t’emmener sur son fidèle destrier ». C’est lui qui prend les choses en main, cet homme rêveur d’un monde si beau. Je passe une merveilleuse journée en sa compagnie. Je le connais depuis longtemps pourtant, mais ce moment privilégié est l’occasion de contacter sa douceur, sa force, son profond désir de grandir et de choisir, son amour pour le chant, la littérature. Il m’écoute parler de mon parcours et de mes peurs, il ne me juge pas, il s’intéresse tout simplement et fait de moi son héroïne de cinéma.

J’ai le temps de finaliser quelques préparatifs de la plus haute importance, comme me faire épiler notamment. La belle Axelle s’occupe de moi depuis longtemps maintenant. Je me sens comme dans mon salon à moi. C’est toujours un grand moment de détente et de rigolade assurée : je regarde un épisode de « Friends » confortablement installée dans mon canapé à me faire dépoiler.

Le week-end arrive, celui qui fait peur, l’ultime avant l’heure.

Samedi matin, je suis réveillée par deux jeunes fous venus directement du Luxembourg pour me faire une surprise.

Ils déboulent dans ma chambre et me réveillent habillés en tenue de mariés, musique nuptiale à fond, pour me faire rigoler. Ils savent que je rêve de les voir se passer la bagues au doigt ces deux-là, que j’ai parfois peur de mourir avant ça. Je parle de ma petite sœur La Belle et de son prince plus que charmant la Bête.

Le week-end est festif, arrosé, léger et plein d’amour. La maison est emplie de vie, de bonne chair et de bon vin aussi. Nos amis Sam, Fabi et Rilpain passent voir le match avec nous, mais c’est surtout pour nous faire des bisous et boire un coup.

Puis nous préparons un réveillon barbecue pour fêter les 30 ans du prince charmant. Il souffle ses bougies avec nous ce petit chou.

Pour me faire rire et aussi plaisir, ma sœur enfile ma robe de mariée et s’adonne à une séance photos en se moquant du style moyenâgeux du déguisement. Mais moi je l’admire, elle est si belle ma petite princesse, elle illumine ma cuisine entourée de ses deux neveux et sa bouteille de rouge à la main. J’ai un super cliché pour une future affiche de ciné : « pour le meilleur et pour le pire, elle a signé avec son rosé ».

Grâce à eux, en moins de vingt-quatre heures j’ai pu revivre des incontournables comme la Belle et la bête et American-Pie en passant par Les Anges gardiens et la Soupe aux choux.

C’est le cœur serré que je dois laisser partir les jeunes mariés. J’ai envie qu’ils restent là avec moi, avec nous, mais j’ai un autre rendez-vous.

Dimanche après-midi, c’est une séance privée coiffure qui m’est réservée. Je suis une VIP. Notre talentueux Pépite me fait une petite coupe de printemps dehors dans son jardin. Nous buvons un verre de champagne, nous mangeons une bonne tarte aux pommes préparée par sa jolie moitié qui n’est autre que ma collègue de boulot au prénom si merveilleux : Valérie.

Le week-end est terminé, lundi est mon dernier voyage pour Paris avant le grand jour. Je dois revoir le chirurgien Monsieur Loyal pour finaliser les derniers détails de l’opération. Il n’est pas question d’y aller seule, il m’impressionne bien trop. C’est mon amie WonderCaro, sa culotte à étoiles et ses super pouvoirs qui m’accompagne. Ce rendez-vous est important et intime, j’ai la bonne personne auprès de moi. Avec le trajet, on a sept heures pour nous, rien que nous deux, on se confie en tant que femmes, filles, mamans, on rit, on est émues, authentiques, fragiles, folles, on est ensemble tout simplement. Et cerise sur le gâteau, on se fait un bon petit resto offert par ma maman qui voulait nous faire ce cadeau.

Ce soir, je fais une pause, je prends le temps de regarder derrière moi et tout autour de moi, jamais je n’aurais pu arriver jusque là toute seule, je suis presque en haut de la montagne, il me reste trois petits jours de marche. Je reçois des dizaines de messages d’amitié, d’amour et d’encouragement chaque jour. Ils me tiennent en éveil pour continuer à grimper. Je suis Forest Gump.

J’observe mon paysage : chaque arbre, chaque feuille, chaque petit animal est l’un de ces super héros qui m’accompagne dans ma croisade. Ils sont si nombreux et différents. L’air est pur grâce à eux, ils ont chacun un rôle, bruyant ou silencieux, opérationnel ou spirituel, physique ou numérique, tendre ou vivifiant, mais l’équilibre est tout juste parfait et j’en fais partie.

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