Repère d’identité

Je profite d’un week-end en solitaire pour poser mon petit derrière. Presque deux mois sans rien écrire, même pas de petites notes sur mon carnet doré. Il faut avouer que j’ai été bien occupée et que mon peu d’énergie ne m’a pas aidée. J’ai profité de mes vacances pour me ressourcer, vivre au ralenti et oublier mes soucis. Ce n’est pas simple en vérité, mais entourée de ma famille et de bon amis, j’ai plutôt bien réussi.

Les combats administratifs touchent à leur fin et cela me va plutôt bien. Il reste quelques détails qui mettent la pagaille mais j’ai obtenu une grande partie de mon dû. Cela peut sembler être un détail pour certains, mais pour moi personnellement, c’est un véritable soulagement.
Je peux enfin me concentrer sur la suite, sur mon avenir que j’aime imaginer avec le sourire.
Je sais que je dois prendre un tournant, mais ce n’est pas encore le moment. Ce n’est pas l’heure de faire des projets, de penser au long terme, d’imaginer une reconversion et partir en formation. Ce n’est pas l’heure de me lancer tête baissée dans des activités que je ne suis pas en capacité physique de réaliser.

Aujourd’hui, ma priorité est de trouver un équilibre et une stabilité pour mon moral et ma santé. Si je suis en invalidité, c’est pour prendre soin de moi, mettre en place des routines qui me donnent bonne mine, prendre mes traitements pas toujours évidents.
Je l’écris si simplement, et pourtant…
Quel drôle de statut, quelle bizarrerie de se retrouver sans emploi à quarante-sept ans alors que toute ma vie d’adulte a été construite autour de mon métier, comme une part importante de mon identité. Je sais que je ne suis pas que cela, oui je le sais, et alors? Le savoir n’est pas le vivre, j’ai du chemin à effectuer pour connecter ce cerveau qui me chuchote « pas de boulot, c’est cool ma poule », à mon coeur qui exprime toutes ses peurs : peur du regard de l’autre, peur du vieillissement prématuré, peur de l’ennui, peur de la dépression, peur du manque, peur de tout en fait.

Malgré cette flippette de petite minette, je suis plutôt fière de moi et de mes premiers pas vers un soin de moi.
Tout d’abord, j’ai repris une activité sportive régulière pour me secouer le derrière. Je ne suis toujours pas en mesure d’y arriver seule, mais je suis bien entourée pour me maintenir motivée. Cette routine sportive à base de course à pied m’apporte légèreté et confiance en mes capacités. Bien que les douleurs et la fatigue m’accompagnent quotidiennement, que parfois, mon lit m’invite à rester allongée, mon moral s’emballe. Il porte mon petit corps blessé vers mes baskets et me fait même mes lacets.
Et puis, je consacre une partie de mon temps à des soins de supports pour m’apporter du confort : massages, drainages et autres trucs pour me sentir globalement dans mon âge.
Je prends conscience petit à petit, que certaines de mes douleurs font partie de ma vie. Mes mains et mes pieds notamment ont été bien trop traumatisés par les chimiothérapies pour retrouver souplesse et énergie.
Je n’ai pas arrêté de me battre pour tenter de réduire au maximum les bobos pas rigolos mais j’accepte que certains soient là, avec moi quotidiennement.
Mademoiselle Fatigue et Monsieur JéBoboLà, mes colocataires d’autrefois, sont devenus propriétaires de moi.

Aujourd’hui, c’est l’organisation au sein même de mon foyer qui me questionne et qui m’inquiète. Je ne suis clairement plus en mesure de tenir ma grande maison, préparer les repas, faire les courses, le linge, les travaux et autres tâches de bonne petite ménagère.
C’est un sujet compliqué, je suis à la maison sans travailler, et pourtant je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi, je suis débordée.
Si ce n’est pas moi, alors qui le fait sans me sentir comme un boulet?
Je n’ai pas de réponse, j’y travaille, je réfléchis…
En attendant, je râle très souvent, je pleure parfois, je demande de l’aide de temps en temps, je m’isole par moment, et j’appelle ma maman.

En parallèle à tout cela, je continue à m’investir dans mon association, ce petit fil conducteur auquel je m’accroche avec bonheur. Elle m’apporte un peu d’action au quotidien, des liens sociaux très bons pour mon cerveau, des nouvelles rencontres, du travail d’équipe, des petites montées d’adrénaline, et surtout une quantité incroyable de « chaudoudou ».
Certains diront que j’en fais beaucoup trop pour cette asso, mais elle est mon seul et unique projet, ma seule et unique activité qui ressemble à cette part d’identité qui m’a été volée du fait de mon invalidité. Alors, je dirais plutôt que je n’en fais pas assez…
Oui, oui, je le confirme, le deuil n’est pas du tout fait, mais c’est en cours, je le promets.

Dans quelques jours, Octobre Rose s’impose, je ne l’aime toujours pas celui-là.
L’avantage avec Les Roses Poudrées, c’est que je suis obligée de passer outre mes pensées, pour m’investir et me mobiliser.
Mon agenda est très chargé, je compte sur lui pour m’éviter toute morosité de ce rose qui me donne la nausée.
Je croise les doigts pour que mon corps ne me lâche pas en plein effort, et présente d’ores et déjà toutes mes excuses à ma tribu pour les potentiels « râlages » et autres petits « craquages ».


6 commentaires

  1. Coucou Valoo
    Je te lis à nouveau et suis comme à chaque fois émue par ton texte.
    Nous avançons dans ce parcours, les étapes sont identiques, les chemins pris sont différents et pourtant tes ressentis me font échos.
    Même si ce parcours est parsemé de haut et de bas, tu restes combative.
    Merci pour tes partages.

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  2. Valoo. Tes textes sont si légers et tellement lourds à la fois. Continue de partager ces mots avec nous. En plus de recueillir ici des nouvelles de toi que tu ne diras pas, tes mots comme les pinceaux d’un peintre, exprime la beauté de la vie dans ce qu’elle de vraie. Éblouissante et sombre tout à la fois. 😘<3

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