Dans les bras de Morphine

Lorsque les douleurs prennent le pouvoir, elle finissent par dicter chaque geste, chaque mot, chaque gémissement, sans aucun consentement. Cela fait un mois maintenant qu’elles n’ont pas délogé. Elle squattent à l’intérieur de moi, m’envahissent et me grignotent telle une biscotte.

Depuis plusieurs mois, je me suis habituée à elles.

Je connais leur manque d’éducation, elles arrivent sans prévenir avec leurs gros sabots, me claquent la bise une tape dans le dos. Elles s’installent sans un mot. Je les accueille les dents serrées mais avec le sourire, moi, la bien élevée.

Elles se contrefichent de mes engagements, mes rendez-vous et autres activités. Ce sont des princesses, elles exigent toute mon attention et ma délicatesse. Pour elles, à leur service, je me dois de tout arrêter. Je fais allégeance entouré d’élégance. Je tente de les choyer par des massages, des drainages et autres douces pensées.

Elles se permettent de se moquer lorsque j’ai du mal à les supporter. Ce sont des prétentieuses, elles en rajoutent telle une mauvaise troupe. Je fais front, parfois en larme et d’autre fois non. Je leur tiens tête avec mes armes à moi : mes amis, ma famille, ma patience, quelques médicaments hypnotisants et aussi du tramadol, qui les rend complètement folles.

Jusqu’à aujourd’hui, mes stratégies ont bien fonctionné, elles ont toujours fini par se lasser et débarrasser le plancher. Bon, il faut l’avouer, à chaque passage, il y a des ravages, à chacun de leur départ, il faut que je me répare. Mais forte de mes pensées, forte de mes capacités, je finis par effacer toute marque de leur passage mouvementé.

Mais ça, c’était avant, avant maintenant.

Il y a un mois, c’est chez mon papa qu’elles m’ont trouvée. Elles ont débarqué avec leurs gros souliers, leurs mauvaises manières et sans prière. Pourtant, je me croyais bien cachée. J’ai cru qu’elles avaient repéré l’opportunité de passer de belles vacances, pour elles, une chance.

Je n’ai pas été très sympa sur ce coup là, très en colère de leur impertinence, de m’empêcher de profiter et de me ressourcer. Je les ai snobées autant que j’ai pu, j’ai fait comme si elles n’étaient pas là : promenades, vélo, bateau, resto et hop là.

Il faut croire que cela n’a pas fonctionné, elles ont continué le voyage à mes côtés et sont arrivées chez ma maman sans une minute ne m’avoir quittée. Je me suis excusée d’être arrivée avec cette équipe de folles furieuses, j’avais peur qu’elles sabotent ces journées si précieuses. Mais ma maman et ma soeur ont sorti les gros bras pour m’aider à les combattre avec moi : drainage, repas légers, bain de mer à quinze degrés… Mais là encore, rien à marché.

Je suis rentrée à la maison, heureuse de mes vacances avec ma soeur mais totalement épuisée d’avoir tant lutté. Et depuis mon retour, chaque jour est un peu plus lourd.

Je suis en grande détresse tellement je souffre. J’ai demandé de l’aide des professionnels de santé mais j’avoue ne pas avoir eu l’écoute et la considération face à la situation. Après tout, rien n’urge, il ne s’agit pas du cancer qui se réveille, il est bien toujours en sommeil. Ces dames douleurs dont le nom de famille est Neuropathies ne représentent aucune urgence. Elles ne sont que la conséquence des multiples traitements, c’est une évidence.

À mon grand bonheur, je suis entourée d’amis au grand cœur et j’ai réussi, grâce à eux, à retrouver un peu d’espoir et des petites solutions pour voir. Je tente la neuro-stimulation, le « tens » pour les experts, les douches glacées pour m’anesthésier ainsi qu’une nouvelle petite gélule rouge et minuscule. J’ai commencé la morphine, à reculons, mais je la gobe sans autre option.

Aujourd’hui, je dors quelques heures par nuit, rien n’évolue quant aux douleurs mais mon moral est bien meilleur. Et puis, je l’accepte tout doucement… Si, d’ici quelques temps, enfin quelques jours exactement, ces dames ne me quittent pas, c’est en direction de la clinique qu’elle devront suivre mes pas . Et oui mes jolies, ceci est une menace et j’espère bien que cela vous glace.

Personnellement, je ne suis pas très tentée pas un séjour hospitalier, encore moins en ce mois d’octobre marqué par mon étoile envolée, mais s’il n’y a que ça pour vous faire dégager, alors, je le ferai.

À vous de voir chères Dames Neuropathies de mes fesses. Pardon, je m’égare…

4 commentaires

  1. Tant de légèreté et d’élégance pour un sujet si grave. C’est superbement écrit.
    Désolée de toutes ces souffrances.
    L’hypnose ne pourrait-elle pas vous soulager ?
    Je vous souhaite des jours meilleurs très vite. 😘

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