
Nous sommes à plus de deux mois de douleurs de malheur.
Elles ont tout terrassé sur leur passage : mon appétit, mes rires, mes envies…
Nous avons pourtant enclenché quelques machines de guerres pour leur cuire le derrière, mais rien à faire, elles ne veulent pas se taire.
Cette situation n’a rien de folichon, je la subis tel un paillasson.
Ce soir, devant mon ordinateur, je ne perçois aucune lueur, aucun espoir dans cette nuit noire.
Je sais malgré tout que demain sera meilleur, je le sais au plus profond de mon coeur. Cependant, je dois bien l’avouer, dans la durée, je suis en train de me dessécher.
N’ayez pas peur les Z’amis, si j’écris, c’est qu’il y a encore ici beaucoup de vie.
Cette épreuve de la douleur a cette grande capacité de me faire voyager dans mes pensées, des pensées sombres oui, mais surtout des pensées profondes. Depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, mon esprit vagabonde autour du « sens » sous toutes ses formes (en considérant qu’un sens puisse en avoir une évidemment).
Il faut dire que l’avantage de souffrir est que cela me maintient de longues heures éveillée, bien trop longues pour uniquement faire du shopping et regarder la télé.
Oups, mon esprit s’égare, gardons notre sens de l’orientation, restons concentré sur ce que je voulais, ici, partager.
Je lis régulièrement sur les réseaux des petites phrases du type « chaque épreuve a un sens, vous finirez par le réaliser » « si tu ne comprends pas le sens de ce que tu traverse, patience, cela arrivera à point nommé »… Bref, l’idée est de considérer que tout ce qui nous arrive dans la vie aurait un sens, vous l’aurez compris.
Oyé, oyé, excusez-moi de m’exprimer, mais sincèrement, j’ai beau chercher, je ne vois pas quel sens trouver à un cancer ou comme en ce moment des douleurs de misère. Quelqu’un ou quelque chose aurait-il décidé de me faire souffrir imaginant que j’allais y découvrir une forme de plaisir?
Je comprends évidemment que chaque épreuve de la vie nous invite à nous dépasser. Elle peut parfois nous permettre de nous révéler, de donner le meilleur de nous même, de nous découvrir des talents, de nous découvrir tout simplement.
Je le comprends car je le vis quotidiennement depuis quatre ans.
La vulnérabilité, la peur de la mort, la fragilité, tout cela nous oblige à sortir de notre zone de confort, c’est une sorte d’instinct de survie et probablement de « plus rien à foutre » aussi.
Mais est-ce que pour autant, cela a un sens? Personnellement je dis « non ».
Avoir un cancer à 36 ans,
Devoir se faire avorter pour se faire soigner,
Récidiver à 43 ans,
Subir de multiples opérations d’un, puis deux nichons,
Perdre sa capacité à travailler,
Se battre avec les assurances et leurs papiers,
Souffrir le martyre…
Tout cela n’a strictement aucun sens, c’est pour moi, une évidence.
Mais je dois noter que ces épreuves ont certainement réveillé d’autres formes de sens qui pèsent dans la balance.
Serait-ce ça le sens que je dois tant trouver?
Le sens de la famille sur lequel je peux me reposer.
Le sens de l’amitié grâce auquel je suis dorlotée.
Le sens de la l’engagement qui me stimule tant.
Le sens des priorités sans lequel je serais débordée.
Le sens de l’humour, pour rire toujours.
Le sens de l’orientation qui me permet de tenir le cap de toute façon.
Et le plus important, mon bon-sens, celui qui me permet de ne pas m’égarer.
Il semblerait que mon talent soit d’avoir bien plus que cinq sens à ma disposition pour traverser cette croisade loin d’être fade.
Oui, je le clame ici : je les possédais déjà avant, je ne les ai pas acquis au fur et à mesure de mes galères de vie.
Je crois avoir bien plus appris dans la douceur et les plaisirs qui m’ont été largement offerts sur cette terre.
La seule chose que je pourrais dire, c’est que l’épreuve oblige à sortir ce que l’on a de son chapeau.
L’épreuve nous contraint à aller chercher la force au plus profond de nos entrailles.
Pour plus de légèreté, j’ai en moi cette image du fameux frigo vide, des fonds de placards, d’être capable de préparer un déjeuner avec trois coquillettes et deux poissons surgelés.
L’épreuve n’est pas un cadeau, c’est un fardeau, mais je la surmonte à chaque fois car je sais que c’est un combat et qu’au final, ce sera elle ou moi.
Conclusion de toutes mes réflexions…
Ce que je vis en ce moment est dénué de sens, mais je dois le vivre comme d’autres épreuves et expériences.
Je dois croire en mon bon sens, mes « pieds-sur-terre », en mes talents et surtout me faire confiance.
Ce combat entre l’épreuve de la douleur et moi n’est pas terminé, je ne vais rien lâcher.