La montée du grand col est enfin derrière moi, quelques jours me suffisent pour que chaque muscle de mon corps se relâche comme si j’étais dans un bon bain.
Je laisse un peu de larmes m’échapper pour éviter le raz de marée, mais je ne sais pourquoi, quelque chose m’empêche d’ouvrir vraiment les vannes.
Est-ce la peur de perdre pied tellement je suis exténuée?
Est-ce le risque de me noyer tellement le courant est violent?
Est-ce l’angoisse d’être emportée vers une cascade non balisée?
Mon corps est si relâché qu’il en est fiévreux et enrhumé, mais mon esprit me force à maintenir quelques mouvements de bras et battements de pieds comme s’il avait besoin de contrôler la vitesse de mon « dos crawlé ».
Pourtant, il sait bien que je suis dans la bonne direction, qu’il peut me laisser porter par le mouvement de ce courant bienveillant qui m’emmène droit devant. Je ne cherche pas à nager à contresens, je ne lutte pas, j’ai confiance. Je sais que j’avance vers la délivrance.
Mon barrage à aiguille, celui qui a permis le flux de la chimiothérapie, doit me quitter, je n’ai plus besoin de lui, c’est « Cathéterminé ».
Il est là le vrai point final. Elle est là ma médaille.
J’ai hâte que ce boîtier sorte de moi, qu’on me libère de ce poids qui m’attire vers le fond malgré moi.
Oui, j’ai hâte de me sentir plus légère, regagner la terre ferme et reprendre petit à petit le contrôle de ma vie.
Oui, j’ai hâte de revoir le Docteur Zinzin qui transforme une opération chirurgicale brutale en un One man Show vraiment rigolo.
Mais non, je n’ai pas hâte qu’on m’ouvre le corps encore une fois. Et comme personne n’a inventé de jolies fermetures éclaires ou des boutons pressions pour ça, je n’ai pas d’autre choix.
Non, je n’ai pas hâte de souffrir une énième fois et bien que cela soit de la rigolade, une douce baignade, comparé à mes interventions de nichons, ça fait quand même mal tout ça.
Alors, non, je n’ai pas envie d’accélérer le mouvement, d’activer mes battements.
Et même si c’est un peu lent et pas confortable pour l’instant, je préfère suivre le courant accrochée à cette jolie bouée sur laquelle est inscrit « c’est bientôt fini ma jolie ».
Une semaine, c’est si vite passé, que me voici déjà arrivée à cette fameuse journée.
Docteur Zinzin m’accueille comme prévu avec sa musique sous le bras, du rock cette fois, et son sourire de beau « quinqua » :
« Alors Dame Valoo, qu’est-ce qui ne va pas? vous n’êtes pas contente de passer quelques minutes avec moi? Moi je suis heureux de revoir la dame des bords de Loire.
Moi aussi Docteur Zinzin, je sais que je vais passer un bon moment en votre compagnie, mais j’ai peur d’avoir mal, je ne veux pas encore souffrir.
Pas de souci Dame Valoo, je vous promets que vous ne sentirez rien du tout.
Je vais vous enlever votre Pac en si peu de temps que nous n’aurons pas l’occasion de finir notre conversation.
Mais si vous avez besoin de pleurer, faites-donc, le seau et la serpillière sont là juste derrière.
Bah ok alors, je vais faire ça Docteur PacMan ouvreur de vannes puisque vous n’avez pas peur des inondations et me donnez la permission…
Trente minutes plus tard, me voici libérée de ce petit barrage à aiguilles et surtout allégée d’une semaine entière de larmes accumulées dans mon corps rincé et mon cœur tout trempé.
Maintenant, ce sont mes yeux qui me piquent, j’avais oublié les lunettes de plongée. Mais mon papa est là à mes côtés. Je le prends par le bras, on ne se dit rien, je n’en ai pas besoin, il est avec moi.
Il va me falloir quelques jours encore pour récupérer de tout ça, mais je vais bien, enfin je crois.
😚
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