Trois, deux, un, zéro ! Finie la chimio ! Mes larmes inondent mon visage comme si elles voulaient hydrater ma peau desséchée par l’effort. Je suis sur les genoux, exténuée par ce parcours intense. Je suis envahie par les émotions que je n’arrive pas à décrypter tellement il y en a trop qui s’agitent entre mon cœur et mon cerveau.
Je me sens comme les grands sportifs sur la ligne d’arrivée.
Comme eux, je suis fière de ma performance.
Comme eux, je pense à tous ceux qui m’ont aidée à la réaliser.
Comme eux, j’ai hâte de reprendre le cours de ma vie.
Comme eux, je suis au bout du rouleau.
Comme eux, j’ai envie de boire et manger ce qui m’était interdit.
Comme eux, j’ai envie d’arroser cette victoire, chanter ma réussite.
Et comme eux… je pense déjà à la performance suivante.
Je prends en pleine poire les réactions de mon entourage qui croit que tout est derrière moi. Cela devrait être doux pourtant, mais ce n’est pas le cas.
Mes amis, mes amours sont si heureux, si joyeux, que je retiens mes larmes malgré moi. J’ai peur de les décevoir, je crains qu’ils ne comprennent pas mon incapacité à me sentir libérée.
Alors je pleure de l’intérieur et souris à l’extérieur. Je fais semblant un moment pour eux et pour tout l’amour qu’ils me donnent. Et puis, je n’ai pas envie de les effrayer, c’est si bon de les contempler avec le cœur plus léger.
J’ose timidement partager cet état d’âme, mais avec un sentiment de honte si profond qu’à peine formulé, je suis prise de regrets.
Pourquoi ne suis-je pas envahie par la joie et le soulagement? Pourquoi suis-je à peine capable d’avaler ces petites bulles posées là devant moi? Pourquoi ma tête n’est pas en accord avec mon cœur? Tout mon corps ressent de l’inconfort.
Une deuxième grande étape est franchie, et j’en suis sincèrement ravie. Mais je sais que tout n’est pas fini. Une petite voix rabat-joie m’empêche de me relâcher : « Faudrait pas t’emballer la guerrière! Il reste quelques épreuves devant toi pour le gagner ce combat. Ok, tu as super assuré en chirurgie et chimiothérapie, mais garde un peu de ton énergie pour l’Herceptine et l’Hormonothérapie, c’est peut-être moins dur, mais c’est beaucoup plus long. Et oui, fallait réfléchir avant de t’inscrire dans ce quatra-thelon du nichon ».
Je crois qu’il faut que je l’écoute cette petite voix et que j’entende vraiment ce qu’elle essaie de me dire au lieu de m’acharner à la divertir.
Ok, ok, c’est bien noté, je ne suis pas au bout, c’est compris, intégré, digéré.
Mais permets-moi Mademoiselle rabat-joie de profiter quelques instants d’une belle troisième mi-temps. Je te promets qu’après cela, je m’y remets à cent pour cent.
Mais s’il te plait, lâche-moi un peu, laisse-moi embrasser tendrement mes enfants, câliner mon mari, trinquer avec mes amis et déguster sans culpabilité les rillettes de Mamie Yvette.
Laisse-moi profiter de la journée Rose poudrée que j’ai réussi à organiser malgré les efforts qui m’étaient exigés.
Laisse-moi accueillir ces jolies femmes qui comme moi passent leur temps à se battre, à se dépasser chaque jour pour que leur vie soit un peu moins pourrie.
Laisse-moi leur apporter le temps d’une journée Amour, Gloire et beauté.
Tu verras, tu ne seras pas déçue, je suis convaincue que tout ce que je vais partager va me rebooster, m’apporter cette énergie que tu penses me manquer.
Tu ne le sais peut-être pas toi, la petite voix rabat-joie, mais le fait de donner un peu de soi permet bien souvent de recevoir des choses que l’on n’imagine même pas.
Alors baisse d’un ton Mademoiselle Rabat-joie, et prends note de cette leçon avant de revenir me chuchoter quoi que ce soit.
Je comprend exactement ce sentiment que vous decrivez si bien se sentir coupable de ne pas être soulager des étapes passées
De ne pas se réjouir autant que notre entourage
en fait être en période de digestion des émotions ressentis
Vous me faites du bien
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Beau texte.
courage #petite soeur du K#
Véronique
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