
Après trois années de croisade acharnée, c’est au bout du rouleau que je suis arrivée. Longtemps, j’ai réussi à faire semblant, mais actuellement, même mon sourire le plus charmant ne berne plus les gens.
Il y a quelques jours, une amie de ma communauté m’a demandé comment j’allais. Avec tendresse et délicatesse, je lui ai répondu que je n’étais pas en grande forme mais que j’arrivais brillamment à tromper mon environnement en « faisant semblant ».
Nous avons beaucoup rit de cette capacité commune à cacher nos douleurs, minimiser nos peurs pour éviter toute frayeur de notre monde extérieur.
Nous avons partagé l’importance de cette compétence, nous devrions la valoriser sur nos curriculum vitae.
Faire semblant n’est pas un mensonge, c’est une petite cachotterie pour adoucir la vie, la mienne et celle de mes proches aussi.
Me faire jolie, me forcer à bouger, ne pas écouter mes douleurs, sourire au lieu de pleurer, sont autant de moteurs qui remplissent mon coeur.
Avoir des projets, évoquer l’avenir, ne pas me plaindre, rire aux blagues et aux boutades, marcher et boire des cafés bien entourée, faire du sport même si c’est un effort, sont autant de petites actions qui génèrent admiration et espoir dans le regard de ma tribu affolée par ma dure réalité.
Faire semblant n’est pas un mensonge, c’est une belle intention qui m’occupe et me concentre sur ma guérison, c’est une jolie attitude qui leur permet de conserver leurs habitudes.
Mais voilà, après trois années de cachotteries toutes jolies, c’est au bout du rouleau que je suis.
Je n’y arrive plus, ni pour moi, ni pour eux, ni pour lui.
Je n’ai pas vraiment craqué, pleuré ou hurlé. J’ai seulement pris acte de cette terrible réalité.
Mon corps ne veut plus du tout avancer, que ce soit sur les genoux ou sur les pieds.
Il est exténué par les douleurs, abîmé par les efforts, tétanisé par ce voyage empli de nuages.
Il me réclame de la douceur, des anti-douleurs, du repos parce qu’il en a plein le dos.
Il me supplie de l’isolement, du calme, du vide, pour continuer mes traitements.
Il rêve d’attention, sans devoir continuellement naviguer entre mes désirs et ceux de ma famille adorée.
Pour me le faire comprendre, il n’hésite pas à sortir le grand jeu. Il me coupe l’appétit, me donne la nausée, m’empêche de me lever, envahit mon esprit au point de ne plus pouvoir écouter quelqu’un d’autre que lui. Cela fait trois semaines qu’il a pris les rênes, trois semaines qu’il est venu remettre en cause ce soit-disant comportement bienveillant, le fameux « faire-semblant ».
Il me demande clairement de le congédier le temps de récupérer.
Après une longue période de résistance, de combat acharné entre ses désirs et ma volonté, je lui ai cédé sans pleurer.
Terminé le maquillage anti-âge pour cacher les traces de mes nuits agitées.
Finis les efforts que je fais subir à mon corps pour lui prouver qu’il a tort.
Stop aux « ça va je gère, je vais bien ne t’en fais pas, ça ira mieux demain ».
Effacés les sourires exagérés juste là pour rassurer.
Je ne peux plus faire semblant de ne pas souffrir, de ne pas être exténuée, de ne pas douter de mon état de santé.
Je ne peux plus faire semblant d’assurer comme avant.
Je ne peux plus, et au fond de moi, je crois que, tout comme mon corps à moi, je ne souhaite plus rien de tout ça.
J’ai besoin d’une profonde récupération de ces trois années de marathon, d’un véritable programme de remise en forme, d’une mise au vert pour prendre l’air, de profiter de cette ligne d’arrivée même si elle n’est qu’une étape tout compte fait.
J’ai besoin de mettre un point point final à ces trois années, reprendre ma respiration quelques instants, et pour cela, en aucun cas je peux continuer à faire semblant comme avant.
Il me faut de l’honnêteté, de l’authenticité, d’un bilan factuel de mon état actuel.
Mon corps m’exige cette pause, une retraite il m’impose.
Mon corps en a bavé et la croisade n’est pas terminée.
Je me dois de prendre soin de lui, il me porte, il enveloppe mon esprit.
Je lui suis tellement reconnaissante de tout ce qu’il a géré, supporté, encaissé toutes ces années.
Je ne lui en veux pas de m’alerter, de me mettre à terre aujourd’hui.
Mais je lui reproche d’inquiéter mes proches.
Cher corps, je vais prendre soin de toi, et ainsi de moi.
Je vais continuer à apprendre à te comprendre pour t’apporter le confort qui te rendra fort.
Toi et moi, nous allons avancer ensemble et sans faire semblant.
Et puis saches que je te remercie infiniment de ne pas avoir impacté mon moral d’acier durant ces années car c’est grâce à lui qu’ensemble nous allons y arriver…
Pour commencer, je vais t’emmener à l’île de Ré.
Ton texte est touchant Valérie car il est universel. Chacun(e) de nous en passe par là, nous avons tous / toutes nos petites et grandes mascarades pour donner le change, rassurer l’entourage surtout. Cela demande le double d’énergie au moins. Aujourd’hui, au retour de l’institut Gustave Roussy, j’ai aussi accepté le tsunami d’émotions suscité par cette phase métastatique que je feins d’ignorer. Pour la deuxième fois, j’ai sollicité le retrait de mon cathéter. Pour la deuxième fois, l’oncologue m’a répondu « on le laisse au cas où »… Et j’ai songé que ce petit grigri me protège, à sa manière. Chaque matin sous la douche, il me rappelle la vulnérabilité de mon existence. Je te souhaite un séjour tout en douceur insulaire.
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Merciii
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Douce et agréable retraite à l’île de ré. Si faire semblant peut nous rassurer et rassurer les autres, je pense que c’est un jeu dangereux car il nous enferme dans un rôle qui est parfois difficile à jouer. Ce qui nous demande beaucoup d’énergie au final. Prends bien soin de toi, écoute ton corps…bisous
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Merci Valérie ♥️
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Fait toi plaiz à l’île de ré, une bonne glace à la Martinière (voire deux). Biz, ton informaticien héro préféré.
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Bisous mon héros 🦸♂️
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Tes mots ont raisonné en moi, ils sont si bien choisi. Si criant de vérité. Je te souhaite tout le repos que tu mérites, toute la douceur pour que ton corps s’apaise et aille vers le mieux.
Des becs 💕
Lili
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♥️♥️♥️♥️
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