C’est le jour du fameux appel tant attendu. Je suis toujours en vacances chez ma maman à faire semblant, toute éteinte mais entourée de magnifiques lumières pastels typiques de notre île.
Je suis passée à l’état de la petite étoile scintillante lors d’une belle nuit d’été à celui d’un vulgaire nuage d’orage annonçant une giboulée.
Mais quel soulagement et quelle délivrance lorsque ma radiothérapeute m’annonce que je vais pouvoir être soignée comme je le souhaite.
J’ai envie de partager cette nouvelle au monde entier, je le fais d’ailleurs avec au moins 70 SMS envoyés (j’en ai des amis à qui j’ai envie de le dire) :
« Bonjour tout le monde,
Ça y est, j’ai le début du plan de bataille de « chasse au crabe ».
- Étape 1 : déloger la bête par mastectomie (1 ou 2 seins en négociation) mais reconstruction immédiate. Ce sera donc 2 équipes qui vont s’occuper de moi sur une même opération… cela va être programmé après quelques RDV de contrôle et consultations donc probablement dans un bon mois.
- Étape 2 : voir ce qu’on fait du ganglion : une échographie et une ponction sont prévues avant d’affiner le protocole.
- Étape 3 : chimiothérapie dont le traitement sera défini seulement après les résultats du ganglion et du crabe délogé.
Bon bah, y’a plus qu’à maintenant…
Le moral est bon ce midi, ma petite flamme de positive attitude est réapparue comme par magie. Je suis contente car elle me rassure.
Bisous à tous »
Oui, ma petite flamme s’emballe et réchauffe tout mon être. Je la sens si fort, c’est incroyable, mon cœur explose. Avec un peu de recul, c’est quand même dingue de se réjouir de ce genre d’informations, mais je suis heureuse, c’est tout ce qui compte.
Mais voilà, moi et ma fameuse petite flamme, on s’est emballées bien trop vite et bien trop fort.
Quelques jours plus tard, elle et moi, on passe un sale quart d’heure lors du rendez-vous avec le chirurgien. On se prend une douche froide.
« Ah non Madame, il est impossible de faire une reconstruction immédiate s’il y a de la chimiothérapie ensuite.
Ah non Madame, on ne va pas vous enlever les deux seins pour vous faire plaisir, vous allez trop souffrir.
Ah non Madame, même s’il y avait reconstruction immédiate, on ne pourrait pas vous garder les tétons, c’est impossible, on ne fait pas ça en tous cas.
Ah non Madame, on ne peut pas vous dire si vous aurez de la chimiothérapie ou pas, il faudra attendre les résultats de la biopsie à l’issue de la mastectomie. »
L’eau jetée sur ma flamme l’éteint direct en bousillant le système de rallumage automatique aussi. Et m…, le chauffe-eau est encore en panne : Allo? Monsieur le plombier? Venez vite, c’est une urgence!
Ouf, il est là avec moi, il répond, il prend la relève au cours du rendez-vous.
« Donc, si je comprends bien, ma femme doit se faire enlever un sein, les deux si elle le demande vraiment très fort, et puis ensuite, on voit en fonction des résultats. Alors on va prendre son dossier, et puis on va essayer d’avoir un autre avis. Vous comprenez, c’est important comme décision. »
Nous voilà, mon plombier et moi, en train d’errer dans l’hôpital à nous demander comment on va gérer. Je dois retourner travailler, j’ai une journée importante mais je ne peux pas, je suis tétanisée et épuisée. Si j’y vais, je vais craquer, ça n’est pas professionnel, ça n’est pas moi.
Retour maison, grosses larmes de vidange de chauffe-eau.
Envoi de 70 SMS en me disant que j’aurai mieux fait de m’abstenir la 1ère fois.