Je suis une femme impatiente, je veux que tout soit fait dans les temps, pas la peine de repousser à demain si on peut agir maintenant… Mais en ce moment, j’attends tranquillement que les minutes, les heures, les jours agissent sur moi.
Je suis une femme d’action, une femme qui bouge, qui gère son petit monde, sa maison… Mais en ce moment, j’observe mes proches à faire tout ça devant moi.
Je suis une femme déterminée, je sais ce que je veux, ce que je ne veux pas, ce que j’aime, ce que je n’aime pas… Mais en ce moment, je ne veux rien, je n’aime rien, je ne sais rien et ça ne me choque même pas de l’exprimer.
Je suis une femme souriante, rigolote, j’ai souvent la petite remarque légère qui vient vous égayer un moral tout trempé… Mais en ce moment, je plombe l’ambiance en un rien de temps, je serais capable de faire pleurer une personne atteinte de sécheresse oculaire.
Je suis une femme autonome, je n’ai besoin de personne pour assouvir mes volontés, je n’ai qu’à décider, et j’y vais… Mais en ce moment, même pour faire pipi j’ai besoin de mon beau mari.
On essaie de m’expliquer que cet état de vie est « normal », il s’agirait d’un processus extraordinaire appelée la convalescence. Mais c’est quoi ce truc exactement ? et puis ça sert à quoi d’abord hein ? Parce que là, quand on est en plein dedans, on ne voit pas bien toutes les conséquences positives de ce phénomène au nom pas très joli.
Ça fait dix jours que je suis en « convalescence », en phase de récupération, de séchage suite à réparation.
Chaque jour je me bats avec mon propre corps, surtout pas contre lui, mais bien avec lui, rien que pour lui :
- Pourquoi as-tu si mal bébé, tu veux un Dafalgan, un Ibuprofen ? ah ok, tu préférerais un truc plus fort ? respire, ça va passer, tu vas voir, crois en moi petit corps. Oui j’ai entendu l’appel de la petite pelouse, mais seulement si tu es sage et lorsque tu iras un peu mieux, promis.
- Pourquoi veux-tu bouger bébé ? tu en as marre de te reposer ? mais regarde-toi, tes pieds n’avancent pas malgré ta volonté. Lâche l’affaire, demande donc un petit massage à ta Chouquette préférée, elle adore te dorloter.
- Pourquoi veux-tu rester éveillé bébé ? il faut dormir, encore et encore. Le sommeil est le meilleur des remèdes, il va te remettre sur pied en un rien de temps. Garde ton énergie pour faire la fête avec tes amis quand tu seras en pleine énergie. Allez, fais un effort, concentre-toi et si tu n’y arrives pas, prends un Xanax, tu ne vas pas en mourir, tu te réveilleras. Même ta copine Caro l’a testé pour toi.
- Pourquoi as-tu besoin de travailler bébé ? lâche ton ordinateur, il ne va pas disparaître. Les gens qui sont connectés vont le rester, ne t’inquiète-pas. Ils vont t’attendre, ils ne t’oublieront pas. Et puis d’ailleurs, même si c’était le cas ? ce serait quoi le problème hein ? Tu es la pro du rebondissement, ça ne serait pas la première fois pour toi. Aie confiance en toi.
- Pourquoi te sens-tu coupable de ne pas avoir l’énergie de recevoir tes amis bébé ? C’est vraiment super débile. Non seulement ils te comprennent, ils respectent cette étape, mais si tu fermes les yeux, tu peux les voir là juste devant toi et autour de toi. Ils sont tous ici présents, sauf que comme ça, ils ne t’emmerdent pas en ce moment. Ils sont parfaits tous ces potes.
- Pourquoi te sens-tu dépendant bébé, impotent ? Ne crois-tu pas que c’est normal avec ce que tu viens de traverser ? Mais profites-en à fond petit corps de déesse, de bombasse. Demande des trucs de ouf à ta famille, ton mari, tes enfants. Laisse-toi choyer comme une vraie princesse, laisse-toi porter par tes désirs les plus fous (à condition que ce soit sans bouger). De toute façon ne rêve pas trop, ça ne va pas durer. Dès que tu seras sur pied, le leur va se lever.
Ça fait dix jour que je suis avec lui, ce corps en zone de turbulence, en mode « dégradé » :
- Abîmé mais réparé,
- Endormi mais éveillé,
- Nostalgique mais rêveur,
- En doute mais assuré,
- Triste mais… si vivant.
Je l’aime tellement celui-ci, si profondément malgré ce qu’il me fait vivre. Chaque jour je le sens qui progresse, qui avance. Je lui fais confiance, on tient le bon bout tous les deux, on progresse, on voit la ligne d’arrivée.
On sait que ce n’est que la première étape d’un plus ou moins long voyage, mais on reste cool, on se concentre sur ce truc bizarre que l’on appelle la « Con-Val-Et-Sens » qui nous emmène direct vers une nouvelle naissance. Le plus dur est derrière nous maintenant, on a vraiment assuré, on s’est accrochés, on a cru l’un en l’autre et on est fier du résultat : petite nana solidement réparée avec petite flamme toute éveillée.