Je viens de franchir la fameuse moitié, le moment où je peux enfin compter à l’envers : 5,4,3,2,1,0. Et oui, plus que cinq séances de chimiothérapie et le gros morceau sera passé. Quel bonheur de voir le bout du chemin, de sentir l’arrivée plus près chaque jour qui passe. Quelle joie de se dire qu’on a fait le plus dur. J’en oublie un instant les douleurs, les moments de doute et me laisse envahir par la force, la vigueur et l’espoir que tout ces tracas seront bientôt derrière moi.
Mais on ne m’avait pas prévenue que j’aurais une petite visite qui allait s’éterniser et m’empêcher de croire que j’ai des super pouvoirs.
Cette demoiselle est arrivée avec son air de vacancière à la veille des congés payés. Elle n’a pas jugé utile de se présenter puisque je la connaissais. On avait même sympathisé au fur et à mesure des années passées à nous prélasser pendant les vacances d’été.
Je lui ai ouvert ma porte sans me douter qu’elle venait s’installer bien plus longtemps que d’habitude. Pourtant, j’aurais dû me méfier lorsque je l’ai vue poser ses deux valises sous mes yeux. Ça fait beaucoup comme bagages pour quelqu’un qui n’est que de passage.
Elle s’est installée, ma drôle de locataire, sans prendre le temps de m’expliquer qu’elle comptait bien rester pour me tenir compagnie comme une bonne amie. Non, elle ne m’a rien dit Mademoiselle Fatigue.
Je n’ai pas fait attention à elle en feignant de la voir alors qu’elle était continuellement là près de moi. Je ne pouvais faire un pas sans sentir son souffle et son odeur de faiblesse me pénétrer doucement pour tenter de prendre le pouvoir sur mes mouvements.
Chaque fois que je rentrais d’une séance de chimiothérapie, je constatais désemparée qu’elle tentait de me ressembler en enfilant certains de mes vêtements, qu’elle marquait son territoire avec des nouveaux bibelots sur les armoires, et qu’elle décidait pour nous deux ce que nous devions manger et boire.
Sa présence était de plus en plus pesante. J’ai lutté contre les obstacles qu’elle mettait sur mon chemin, ses croches-pattes, ses petits coups dans les genoux, rien ne m’empêchait de tenir debout. J’ai tenté de lui prouver que c’était bien moi la propriétaire, que je n’avais pas peur de lui faire la guerre. Mais malgré tous mes efforts pour lui faire quitter mon fort, Mademoiselle Fatigue se tapait l’incruste, plus puissante chaque jour. Plus je luttais, plus elle gagnait.
Mais mon oncologue m’a éclairée quand je lui ai exposé mes difficultés à résister à cette drôle de locataire qui me maîtrisait sans en avoir l’air. C’est bien lui et la chimiothérapie qui l’ont invitée à me tenir compagnie.
Il m’a conseillé de bien l’écouter le temps de son séjour à mes côtés. Elle ne me veut pas de mal même si elle ne me fait pas de bien au quotidien. Elle est là parce qu’elle n’a pas le choix, c’est ainsi. Vive la chimiothérapie, ce produit qui me guérit en m’ôtant un petit bout de ma vie.
J’ai bien compris, elle et moi, on doit faire amie-amie et nous adapter l’une à l’autre puisqu’on doit vivre ensemble quelque temps. Il faut que je lui laisse de l’espace et que je la laisse trouver sa place. Elle doit ranger ses affaires cette drôle de locataire.
Nous devons aussi négocier un peu toutes les deux, parce que je veux bien être gentille, faire des efforts, mais hors de question que ce soit elle qui orchestre mon quotidien sans se demander si ça me va bien.
Ce n’est pas parce qu’elle est casanière que je ne peux pas lui demander de se bouger le derrière. En contre-partie, si elle veut se faire une petite série, je dois lui dire oui.
Ce n’est pas parce qu’elle aime glandouiller que je ne peux pas lui demander de m’accompagner pour marcher. Ok, OK, promis, on ira se poser, boire un café.
Ce n’est pas parce qu’elle est lente qu’elle ne peut pas courir à mes côtés. Il suffit de ralentir le rythme sans m’énerver.
Elle et moi, on doit se parler et nous accorder sur ce qui est bon pour nous deux sans tenter de nous imiter. Elle n’est pas moi, même si elle me pique mes fringues et je ne suis pas elle, même si je lui chipe un bouquin.
Mais elle a raison sur un point, nous devons trouver le moyen de nous comprendre et d’accepter ce que chacune de nous a de bon pour l’autre. Elle est là pour m’aider à me reposer et moi pour lui éviter de s’ankyloser.
Je ne dirais pas que c’est mon amie aujourd’hui, c’est quand même une colocataire que je n’ai pas invitée. Mais sa présence ne me fait plus peur. Elle m’autorise à me poser sans culpabiliser de vivre au rythme d’une vieille mémé.
Je serai heureuse de la voir ranger son petit bazar, prendre ses clics et ses clacs, et me laisser enfin retrouver mon chez-moi, mon moi, et ne plus être patraque.
Mais pour l’instant, nous sommes ensemble toutes les deux, alors faisons en sorte de nous créer de jolis moments en partageant ce que nous avons à donner tout simplement.
Tres jolie texte tu as beaucoup d’immagination j’en sais quelque chose encore 4ans d’hormonotherapie bientot la fin
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Très bien exprimé
Pour moi 3seances de chimio de faites et je sens déjà sa compagnie qui s’installe tranquillement ds ma vie pas facile.
Mais pour guérir je crois qu’il faut l’accepter
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C’Est tellement elle !!!
Elle est à mes côtés, parfois je la pense me laisser mais elle reste près de moi me fait signe de l’écoute, de s’écouter.
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